Je suis partie aujourd’hui
Les soins palliatifs à domicile ou le dernier train avant le bleu du ciel par Franca Maï
Franca Maï : Fleurs vénéneuses extrait Crescendo (vidéo)
A propos du tabac, de l’alcool, des drogues, mais tout aussi bien de la conduite automobile, et de bien des comportements que l’administration juge comme un délit quand elle n’en fait pas un crime.
Notre temps - qui est aussi celui de toutes les hypocrisies - ne manque jamais de faire apparaître pour un vice le comportement qui tient du plaisir, par l’usage de divers procédés « psychotropes » ou sexuels, dès lors que le comportement ainsi dénoncé provoque un phénomène contraire à ce qui fait l’essence de ce temps, celui de la rentabilité.
Et à cette fin, qu’importe les dégâts qu’occasionnent la recherche de la rentabilité ; qu’importe les coups les plus vils pour y parvenir. Seule, importe l’autorité, de sorte que ce qui fut arbitrairement tenu jusqu’alors pour une marque de virilité -fumer et boire- devient une marque de faiblesse, qu’il revient à l’assistance médicale de s’emparer, avec la charge de désarmorcer la possible déflagration annoncée qu’une telle violente contradiction risque de produire, appuyée par une vigoureuse oppression policière, fixée sur les axes de circulations, assortie de chantage et de répression.
Des effets psychotropes de certaines plantes tels ceux du raisin fermenté, à ceux de la libido intrinsèque à la nature vivante de notre espèce, il n’est pas un terrain de plaisir, terrain dont la maîtrise échappe au joug de l’autorité ecclésiastique, qui ne devienne un terrain de chasse, et ne remplisse le désir d’une lourde oppression, rendant l’atmosphère irrespirable de ce nouveau gaz toxique que maladroitement, l’on identifie non sans un certain effroi à la paranoïa.
De quelle vie, ces gens veulent-ils parler ?
D’une vie de labeur et d’obéissance ?
Qu’est-ce qu’une vie qui s’articule à l’ombre de l’oppression ?
Ne vaut-il pas mieux, sous cette condition infâme disparaître, plutôt que de subir ce qui n’est, finalement, qu’une humiliation ?
Jusqu’où sommes-nous capables d’aller dans la dépossession de notre être ?
Dépossession que l’on peut observer jusque dans la mort, aujourd’hui définie comme une maladie en phase terminale, ou un accident que le monde médical s’empare pour justifier son impuissance, mais non comme l’ultime moment d’une vie remplie.
Il est interdit de mourir sinon du fait de la providence, cet autre nom de l’absolu, dont savent se servir habilement les églises pour imposer leur dogme, et que le monde médical tente de faire reculer à tout prix. Ce qui fait toute la force de la vie est, aujourd’hui, encadrée par des lois. La mort est interdite parce que la vie, dans sa jouissance, est dangereuse pour ceux dont l’ambition se résume à vouloir dominer.
Maîtriser tout. Hors, maîtriser revient à tout faire rentrer dans des codes, dans des structures, dans des protocoles. Et en surveiller l’application, le plus rigoureusement possible, par une police formée à la faire respecter, sans états d’âme.
Il serait seulement comique, si cela n’avait des effets redoutables contre la vie, de voir s’ébaudir les chantres d’une "bien-pensance" au goût aigre de la servitude ; et, on est en droit de poser la question, « mais, que voulez-vous donc au juste ? » paraphrasant le lettré chinois Li Bai, quelque part dans la première moitié du VIIIème siècle du calendrier de la soumission chrétienne : « Ô vous qui êtes en face du vin et qui hésitez à boire, vous qui réfrénez vos désirs, dites-moi, qui donc attendez-vous ? »
Qui, en effet ?
Car, de la vie, il n’est rien à en attendre si elle se trouve vidée de sa substance, c’est à dire de ce qu’en font ses habitants. Car, la vie habite ;
mais pour combien de temps encore ?
Dans ce rapport de domination, la transmission d’un savoir à des fins d’affranchissement des individus, est une enveloppe vide. Aujourd’hui, plus personne n’enseigne, et moins encore les enseignants ; aujourd’hui, il faut réprimer.
La question n’est pas tant de savoir pourquoi, plutôt que pour qui ?
Si vous attendez, de là, des individus responsables, vous êtes dans l’erreur ; car il n’est pas besoin de comprendre pour obéir ; Mais si vous attendez un effet de puissance, alors vous n’attendez personne ; seulement l’orgueil de vous sentir anobli d’une sorte de mission ; une mission fort peu élégante, mais qui marque, comme les traces de coup sur la joue d’un captif, afin d’éveiller la crainte. La mission de conduire un troupeau, pour le seul plaisir de dominer, n’engendre que l’irresponsabilité de ceux qui sont ainsi conduits, non des individus attentifs à la vie, qui en éprouveraient par là un grand désir d’attention.
Là où seul importe le devoir d’obéir, il n’est pas nécessaire de comprendre quoique ce soit, mais seulement d’être conduit. La crainte de s’en départir cimente la servilité.
Et la vie se réduit à un assemblage de diverses fonctions, vidé de sa substance qui en fait toute la force. L’amour lui même n’y échappe pas. On ne sait plus, finalement, ce qui nous fait aimer, sinon les manifestations de nos organes, pour une liaison servile à l’esthétique dérisoire.
Aujourd’hui, l’esprit est captif de la peur, et non ouvert au désir et à la curiosité ; de sorte que ce qui est dangereux, ce n’est pas un trop plein d’alcool qui finit de ruiner la santé, mais la présence de la police.
Il serait pourtant, tellement plus sage de saisir en quoi les fondements de notre monde sont entièrement à remettre en question, plutôt que réprimer. De saisir que l’usage excessif des plantes psychoactives n’est en réalité qu’un symptôme dont il conviendrait de prêter attention, plutôt que le dénoncer pour une faiblesse.
Mais, naturellement, cela ne va pas dans le sens de l’intérêt de ceux que l’autorité - qui est la marque de ce qu’ils prennent pour leur personnalité- nous imposent comme diktat. Car, malgré le mot - vide - de démocratie, c’est bien une dictature qui est en place par l’application rigoureuse et sans intelligence des lois ; une dictature assouplie.
L’urgence du besoin d’en durcir le ton ne se fait pas encore cruciale.
C’est une question de servilité.
La révolte incomprise se brise sur le mur du totalitarisme.
L’intelligence de la révolte seule est capable de briser un tel mur.
C’est une question de maturité.
Ce n’est pas la liberté qui est exigée, mais la docilité ; non l’aventure, mais la stabilité ; non la confrontation de la vie d’avec la mort, mais la neutralité de ses effets. Un emploi stable, une famille, un pouvoir d’achat...
Un habillage factice et admis par tous, plutôt qu’une mise à nu qui sonne trop comme une mise à mort.
Sous assistance respiratoire, perfusés en permanence, « pour notre bien » en somme, tel est le programme aujourd’hui appliqué à tous -du rmiste au salarié- que sa soumission fait croire agir sur sa vie par volonté, alors qu’il n’est qu’une pièce dans le mécano de la société.
Et cela dans le respect démocratique du groupe sanguin idéologique de chacun, dont l’étendue recouvre l’horizon de l’extrême gauche à l’extrême droite, tel le filet du pêcheur dont seul importe la prise, finalement.
Et ainsi, l’illusion qui produit le sentiment d’être libre n’apparaît pas comme illusion, mais comme liberté. Une liberté de façade qui est reconduite avec le coup d’Etat permanent qu’offre l’urne démocratique.
Tour à tour, chacun se place, suivant une position qui se définit par une adversité factice que se livre chacun des concurrents dans la course à l’Elysée, un peu à la manière des pièces d’un échiquier.
Et c’est ainsi que les pleins pouvoirs sont donnés à ceux que personne ne veut véritablement comme chefs, contre ceux que tout le monde craint comme patrons, avec sans doute des nuances, mais sans aucune influence notable qui aurait la force d’infléchir le cours catastrophique, quoique chargé d’ironie, que portent ces viles ambitions à la vie.
Dans cette perte de sens, quoi de plus rationnel que d’interdire par les coups, l’usage de ces plantes aux effets psychotropes que le pouvoir médical et l’industrie pharmaceutique nomment drogues, dont fait partie « notablement » l’alcool, et dont les effets rendent dérisoires le travail féroce de nos maîtres.
Il nous faudrait se ré-approprier la mort, pour se ré-approprier la vie.
Ebrècher la soumission, c’est par là, et par là seulement, qu’être libre prend un sens ; par là, et par là seulement qu’être libre devient un engagement.