Je suis partie aujourd’hui
Les soins palliatifs à domicile ou le dernier train avant le bleu du ciel par Franca Maï
Franca Maï : Fleurs vénéneuses extrait Crescendo (vidéo)
Action paradoxale, impertinente car pertinente : comment nier la justesse de ces détournements d’avertissements légaux !
Afin de rassurer d’emblée ceux que pourrait choquer cette provocante farce, qu’il soit clair que la cible ici est le travail, pas les travailleurs !
Comment, pourquoi oser s’en prendre au travail alors qu’ici comme ailleurs, la « crise », le chômage -généralement sans indemnité- frappe les citoyens, les ménages ?
Alors que le « droit au travail » en est un fondamental, repris par la charte des droits de l’homme !
Car c’est lui qui permet de subvenir aux besoins vitaux personnels et à ceux de la famille, d’accéder à la dignité ou son ersatz, voir pour les nantis, à l’épanouissement professionnel. Alors que c’est le travail quotidien de milliards d’enfants, de femmes et d’hommes qui depuis tant de générations bâtit ce monde.
Le propos ne sera pas l’apogée de la fainéantise, loin de là : en finir avec le travail en a déjà demandé beaucoup, de sueur et de sang, à travers l’Histoire et en nécessitera bien plus encore !
Il ne s’agit pas de nier les réalisations, les avancées, personnelles ou humaines que le travail apporte aux individus, sociétés et cultures, mais d’en finir avec une mystification spectaculaire.
Le culte du travail poussé à son paroxysme qui sévit actuellement repose sur plusieurs dogmes, qui ne sont que d’autres politiques présentées comme des fatalités naturelles, telles la rentabilité ou la croissance.
De plus l’Histoire démontre que ce culte inculqué dès le plus jeune âge connaît lui aussi ses intégristes : les régimes totalitaires ont de tout temps usé et abusé du travail afin d’empêcher leurs peuples de penser voire, d’en liquider certains groupes. Parmi les régimes fascistes, les nazis en sont le plus sombre exemple, car même le fameux « Arbeit macht frei » ne peut résumer le niveau de cynisme génocidaire planifié du fascisme, du capitalisme pur, sans son garde-fou ou masque démocratique.
Bien sûr que tous, nous pouvons ressentir, partager le plaisir d’ « un travail bien fait ».
Quelle que soit la profession qui nous occupe nous avons tous savouré cette joie, ce que nous ayons la chance d’avoir choisi notre occupation ou non.
Que notre domaine soit les services, la construction, les arts, la production, nous avons tous pu lui donner, même brièvement, un sens autre que celui de « gagner sa vie ».
Mais quand ce travail devient un culte intégriste -dont le paradis serait les Bahamas et l’enfer un site sidérurgique délocalisé, avec pour commandements : la flexibilité, le flux tendu, l’optimisation des profits, la réduction des frais, la rentabilité, la croissance, etc. - il est bon de s’interroger sur sa finalité.
Un débat ouvert en farce et pourtant le sérieux de la question frappe dès les premières analyses sociales, économiques ou historiques, car précisément c’en est une première : l’humain n’a jamais travaillé autant que de nos jours !
Que s’est-il passé ?
Pourquoi et comment travaillons nous toujours plus pour toujours moins de revenus alors que le prix de la vie ne cesse de s’élever ?
Les services ont ils perdu leurs sens, les biens et l’argent ont-ils disparu ?
Est-ce une fatalité et sinon quels sont les moyens d’y remédier ?
La critique du travail peut sembler vaine, loufoque ou dangereuse, voire scandaleuse.
Et pourtant n’est-ce pas le système productiviste qui révèle aujourd’hui toute son absurdité, quant au comble de l’aberration nous en venons à regretter le fait que le travail se fasse toujours plus rare ? !
Car c’était bien là le but du progrès et de ses machines, celui pour lequel tant de générations ont sacrifié leurs beaux jours, que de nous libérer enfin de la malédiction du travail !
Mais alors que la révolution industrielle et sa course informatique triomphent voilà que les lendemains qui chantent s’avèrent être ceux de l’enfer du chômage et de la « crise ».
Ici, la précarité d’emploi ou sociale se généralise, là-bas la misère bat des records historiques. Bien que plus personne ne conteste la responsabilité de la surproduction et la surconsommation dans les dérèglements économiques, sociaux et écologiques qui ruinent notre présent et compromettent notre avenir, les dirigeants et les médias s’obstinent : Hors de la croissance et du plein emploi point de salut !
Au premier million de chômeurs, ils l’affirmaient avec vigueur, au second ils le certifiaient études à l’appui, au troisième elle fait toujours la une...
Or, depuis plus de trente ans que la croissance et le développement -son ersatz exportable- nous mènent au bonheur que constatons-nous ?
La fermeture d’une usine est plus rentable que sa production, une politique de licenciement assure une hausse d’action en bourse. L’industrie délocalise comme vous changez de chemise, ce après avoir longtemps profité de cadeaux financiers des états, donc du contribuable, sous la promesse non tenue de créer des emplois.
Et voilà que les travailleurs sont sommés de travailler toujours plus pour encore moins tandis que le prix de la vie explose.
Contraints d’accepter contrats et conditions de travail toujours plus précaires sous la menace latente ou déclarée de rejoindre leurs camardes chômeurs.
Ces sans-emploi qui de victimes de la crise sont devenus coupables parasites et sont mis en demeure (s’il en ont une) de se vendre, de trouver un travail qui n’existe plus sous peine d’exclusion au propre comme au figuré.
Signe des temps, notons le revival très tendance des working-poors, tels ces Londoniens à l’avant-garde de la flexibilité, cumulant plusieurs emplois mais contraints de faire les poubelles pour permettre aux leurs de survivre.
Ces quelques observations démontrent à elles seules l’actualité et la pertinence de la remise en question du travail salarié comme unique accès à la vie active, à la participation sociale et citoyenne. Car en finir avec le travail ne signifie pas cesser de s’activer, bien au contraire.
Avant de poursuivre un définition s’impose, il est nécessaire de démystifier le terme avant son culte.
En effet ce mot piège, maudit et vénéré a la particularité de désigner autant le labeur forcé, épuisant, répétitif et abrutissant que les activités épanouissantes et librement choisies.
Un petit détour par l’étymologie s’avère très instructif. Beaucoup connaissent l’origine révélatrice du terme français qui, comme pour les autres langues latines, n’est autre que le tripalium, joug de torture destiné aux esclaves. Peu savent qu’il en va de même dans la plupart des langues européennes. Ainsi dans les idiomes germaniques le mot désigne la corvée d’un enfant orphelin devenu serf.
Après cette petite histoire sémantique rappelons brièvement celle du mal prétendument nécessaire qu’il désigne. Car un des atouts du productivisme est de s’appuyer sur la croyance qu’il en a toujours été ainsi, que le travail est le propre de l’homme, qu’il est dans sa nature. Bref, une fatalité à laquelle n’existe aucune alternative. Or comme nous allons le voir, il n’y a rien de plus faux.
« Le travail rend libre ! »
Pour commencer par le début, si l’humain est apparu il y a plusieurs millions d’années, le travail lui n’existe que depuis 15.000 ans à peine. Rassurez-vous il ne s’agit pas de vanter avec nostalgie le paradis perdu, mais juste de régler son compte au premier mythe de notre liste, celui qui prétend qu’il en a toujours été ainsi.
En effet les activités auxquelles se livraient nos aïeux et qui les occupaient tout au plus trois heures par jour, comme la cueillette puis la pêche ou la chasse sont de nos jours toutes considérées comme des loisirs ! Mais voilà qu’un beau jour, Croâr fils des âges farouches éprouve subitement un étrange besoin de jardinage.
Or dès la première graine semée une suite de bouleversements sans précédents vont se produire. Adieu la grande promenade, bonjour sédentarité et autres embouteillages sur le périf ! Car qui dit champs dit moisson, qui dit récolte dit excédent, qui dit stock dit muraille, qui dit territoire dit guerre...
Une impressionnante réaction en chaîne qui semble naître d’un divorce consommé avec la nature et pourrait bien s’achever par une autre réaction en chaîne, atomique cette fois, si nous n’y prenons pas garde.
Trêve de précipitation, revenons un instant à l’Antiquité lorsqu’un certain Aristote, bien connu des services de l’empire, déclara :
Ceci pour constater que dès son apparition le travail fut considéré comme une malédiction à fuir comme la peste et que l’ont confiait dès lors volontiers aux esclaves ou autres serfs corvéables à merci. Les nobles aristocrates qui succéderont aux maîtres Romains justifieront par la religion et leur sang bleu les privilèges qui les dispensaient de cette Malédiction décrétée Divine.
Les variations autour de ce thème sont presque aussi nombreuses qu’il y eût de civilisations.
Il est toutefois troublant de noter que nos médiévaux ancêtres travaillaient nettement moins que de nos jours. D’une part le travail était lié aux saisons, d’autre part le nombre de jours chômés -en cette époque où le terme était réjouissant- représentait un bon tiers du calendrier au regard de la quantité invraisemblable de saints à fêter.
Réjouissances à profusion qui rimaient avec une vie sociale riche, Alléluia !
Il fallait donc sévir.
C’est ce que firent habilement les Protestants, paradoxalement suivis des Lumières, ainsi que la révolution industrielle dès ses balbutiements en Flandres et au-delà.
La suite est connue. Alors que la planète, l’humain et le vivant saturent, les économistes et les politiques persistent à vanter le plein emploi et imposent la croissance.
A qui profite cette irresponsable fuite en avant ?
Qui tire les bénéfices de cette surproduction insensée de gadgets inutiles qui n’ont d’autres buts que de produire du travail donc de générer des profits ?
Certainement pas à vous, même si vous travaillez à la conception, à la production, à la promotion ou la distribution des ces coûteux gadgets vous en payez le prix fort. Vous y sacrifiez plus d’un tiers de votre vie, souvent votre santé et votre vie familiale ou sociale en pâtit toujours plus. Sans parler des dégâts, de la pollution engendrée par ces activités souvent dénuées de sens, ni du prix bien plus élevé que payeront les générations futures héritières involontaires de nos névroses consuméristes.
Ici, apparaît l’inavouable fonction de l’argent qui -au-delà de gérer le troc qui peut très bien s’en passer- est de quantifier, dégager des profits induits par le travail d’autrui et surtout de permettre une accumulation nettement supérieure aux besoins personnels d’un individu ou d’une élite.
Ce qu’il fallait démont(r)er ?
Tant d’activités parmi les plus absurdes que l’espèce humaine n’aie pu inventer dans les seuls buts de justifier salaires des uns, profits des autres et d’imposer un contrôle social sous forme d’occupations abrutissantes.
Voilà qui explique pourquoi vous ne pouvez quitter le bureau ou l’atelier avant la fin de la journée même si vous avez déjà terminé vos tâches à midi, ce n’est plus votre force de travail mais votre temps de vie que vous vendez !
Ce n’est pas un hasard si les régimes totalitaires, de Vichy à Moscou en passant par Berlin, ont de tout temps usé et abusé du travail afin d’empêcher leurs peuples de penser donc d’être, voir d’en liquider physiquement certains groupes...
A l’entrée des camps nazis figurait l’inscription « le travail rend libre » ...
Nous l’avons vu le travail n’est ni dans la nature humaine, ni dans la nature de l’activité humaine elle-même, dont il est l’abstraction monnayable. Malgré des légendes tenaces il n’est pas non plus une fatalité. La mystification de la croissance est un non-sens éco-mortel qui nous est imposée par des institutions non-démocratiques tel le FMI , la banque Mondiale ou de puissantes multinationales à grands coups de rentabilité, flexibilité, compétitivité et autres dogmes. Si le mythe de la croissance infinie pouvait séduire un contemporain de Christophe Colomb croyant découvrir l’Inde, il s’avère anachronique et criminel à l’heure actuelle.
les alternatives existent et nombreuses sont celles qui ont déjà fait leurs preuves.
Abolir le travail n’est pas se tourner vers le passé, au contraire le dépassement de la situation actuelle aura grand besoin de certaines de ces technologies dites de pointe et pourtant vieilles comme le monde, tels les énergies renouvelables, les réseaux d’échanges de savoirs, les réseaux de troc sur et hors de la Toile. L’allocation universelle -en attendant ou en précipitant la fin du capitalisme- est une autre piste provisoire à étudier prudemment.
Un paradoxe intéressant est qu’en dématérialisant l’argent, la cyber-finance pourrait faciliter, bien malgré elle, la fin du capital !
Imaginez juste un instant qu’un beau matin, pris d’un élan de lucidité, nous décidions tous de jeter nos cartes magnétiques et de continuer tout simplement comme avant ! Bien sûr beaucoup seront tentés dans un premier temps de prendre cinq tartes aux fraises au lieu d’une baguette mais leur estomac les rappellera rapidement à la raison. De plus tartes et baguettes seront bien meilleures vu que les boulangers qui poursuivront leur activité le feront uniquement parce qu’ils aiment ça et en sont fiers !
Cessons de maudire ou craindre cette nouvelle situation que nous avons tant souhaité et réjouissons nous du temps retrouvé. Valorisons les activités sensées, déjà nombreuses, axées sur l’éducation, le bien-être et la santé, les services publics et concrets à la collectivité, la créativité et les arts. Toutes ces professions qui dans ce monde inversé sont les premières sacrifiées sur l’autel des restrictions budgétaires. Bardés de nos sciences et technologies réconcilions nous avec la nature.
Avez-vous déjà osé calculer le temps que vous travaillez pour payer la voiture que vous utilisez pour vous rendre ...à votre travail ?
Consommer moins, c’est travailler moins.
Différentes études menées par d’authentiques économistes ont régulièrement démontré que les activités réellement nécessaires pour subvenir au besoin quotidien de notre société représente moins de trois heures journalières, ça ne vous rappelle rien ?
Avant de conclure il faut évoquer le danger que comporte la critique du travail, afin de ne pas se fourvoyer et lâcher la proie pour l’ombre. Il ne s’agit pas de faire le jeu de liquidateurs du bien public. C’est bien par l’accès à l’emploi que les travailleurs d’antan ont pu améliorer leurs conditions de vie, s’organiser, lutter pour (re)conquérir leur dignité. Ce que la novlangue nomme à tort les acquis sociaux furent de fait des conquêtes arrachées au prix du sang des prolétaires. Notons toutefois que les insurgés de la Commune n’avaient pas à se soucier de la fonte des pôles...
A nous de tisser et bâtir, mobiliser pour établir de nouveaux rapports de forces et de farces !
La croissance durable n’étant qu’oxymoron, la décroissance comme le bon sens inscrivent la critique du travail à l’agenda de tout être qui n’a pas désappris à penser.
Cette modeste contribution ne prétend pas apporter d’éléments neufs ou de réponses définitives à la remise en question du travail et de ses mythes et dogmes. Ses buts sont d’inciter les lectrices et lecteurs à pousser plus loin la réflexion en consultant les nombreux ouvrages dont ce texte s’est librement inspiré (cf. liens &bibliographie).
Pour conclure en répondant d’avance à ceux qui ne manqueront pas de clamer que tout ceci ne sont que fadaises ou de dangereuses chimères : L’topie -irresponsable et criminelle- est de s’obstiner à cautionner un système qui va et nous emmène, nous le constatons tous, droit au mur !
Bonne sieste !
source : Activista
Des entreprises où l’on connaît l’essentiel de la vie privé des salariés. Des lieux privatifs qui n’en sont plus.
Sarkozy avait déclaré qu’il n’y a pas de différence entre vie et travail. Il est aussi à ses déclarations qu’Hitler le fut à Mein Kampf. D’ici quelques années l’abolition de la vie privée en frontispice de la République ?
... Dormez bien..