Je suis partie aujourd’hui
Les soins palliatifs à domicile ou le dernier train avant le bleu du ciel par Franca Maï
Franca Maï : Fleurs vénéneuses extrait Crescendo (vidéo)
Extrait :
Monsieur Bernard, si une entité vous avait permis de tout effacer et de repartir à zéro, en sachant tout ce que vous avez découvert sur vous-même, Comment auriez-vous construit votre vie ?
Je crains la réponse que je vais vous faire. Je risque de vous décevoir.
C’est-à-dire...
A part Milva que j’aurais mieux cernée et aimée pour éviter la rupture, je crois que je n’aurais jamais pu échapper au sortilège de Reine. La sensation relevait du voyage hallucinogène. J’étais aussi dépendant qu’un drogué.
Vous êtes en manque actuellement ?
Je peux affirmer que je suis toujours à la recherche de cet état de grâce. Et rien, ni la prison, ni l’opprobre, ni les raclées, ni la peur, ni la loi, ne m’empêcheront de sombrer et de plonger dans les eaux noires de l’interdit si l’occasion se présentait.
Comment vivez-vous aujourd’hui ?
J’enseigne par intermittence dans des écoles privées où je côtoie également des adolescents et je donne des cours à des particuliers, des adultes seulement. Je vois un médecin, une fois par mois.
Mais votre métier vous met en contact avec vos propres déviances ? N’est-ce pas vous éprouver inutilement ?
Le monde est peuplé de gosses, Madame Alvy. Les parents n’ont pas à les tenir en laisse. Et je refuse de vivre dans une île déserte. Je m’arrange pour éviter le contact intime avec eux. Lorsqu’ils ont besoin de s’épancher, je les dirige d’office vers un collègue. Je suis réputé froid et distant. Je surfe sur internet quand j’ai un besoin physique. Je me contente d’images virtuelles.
Monsieur Bernard vous savez comme moi que beaucoup de ces photographies particulières et ciblées sont fabriquées sous la contrainte. Ne vous voilez pas la face pour un arrangement avec votre conscience !... De véritables réseaux d’exploitation enfantine sont mis en place. Vous contribuez au rouage vicieux et structuré.
Je n’ai trouvé que ce pis aller pour ne pas passer à l’acte. Je sais maintenant que je pourrais être dangereux. Je ne peux pas perdre mon temps à m’abrutir de calmants, à dormir toute la journée pour oublier ou me faire oublier. Certains traitements me rendent inoffensif Dans ces moments-là, j’ai la tête dilatée. Je ne ressens rien. Un légume. Je suis extrêmement malheureux, Madame Alvy, je ne fonctionne pas comme les autres. Est-ce une raison pour m’abattre ?... Si je veux être honnête avec moi-même, je sais que je ne guérirai jamais. Il y a cette petite lumière rouge qui s’allume dans mon cerveau et qui me guide fatalement vers une autre Reine...
Critiques :
Prima Magazine février 2006
En deux mots : le dialogue entre la mère d’une fillette violée et assassinée, et un pédophile.
Pour : Tatiana de Rosnay auteur de huit romans dont le dernier, Moka chez Plon.
Franca Maï a le courage insensé d’écrire la douleur pure, d’exposer l’indicible, sans voyeurisme, sans pathos, sans gratuité. Avec une plume sèche, dénuée de fioritures, elle va droit au but, fouille au plus près du gouffre, de l’espoir et du désespoir. Prudence ! Il faut entrer tout doucement dans ce livre, à pas feutrés. L’ultime Tabou n’a rien d’un roman facile, qu’on lit d’une traite et qu’on oublie, il n’est pas à mettre entre toutes les mains. Il est un vrai coup de poing, un vrai coup de coeur.
Contre : Edwige Antier pédiatre auteur de Dolto en héritage (R.Laffont) elle produit l’émission Enfance sur France Inter
« je suis sortie de la lecture de ce roman avec la bouche amère. On est là dans le « tout comprendre », qui risque de devenir le « tout permettre ». L’homme qui est un abuseur, finit par avoir le beau rôle, être sympathique. C’est dangereux et cela me met très mal à l’aise par rapport à l’enfant qui a été abusée. Parfois, lever les interdits, c’est aussi déculpabiliser. Malgré ses qualités littéraires, ce roman est dangereux. S’il est intéressant pour les spécialistes, il ne peut s’adresser à tout le monde. »
L’AVIS DE PRIMA C’est un roman très dur, dont le lecteur ne sort pas indemne. Intéressant par ses qualités romanesques, son écriture et la psychologie des personnages, c’est un livre à lire avec distance. A ne conseiller qu’en connaissance de cause.
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L’ultime Tabou Un roman de Franca Maï Cherche-Midi Editeur ISBN n° 2 74910 502 1 144 pages 14 x 21, 13 euros ttc France (2006)
Un grand Pour avec un petit Contre.
A lire obligatoirement. Nous entrons dans l’intelligence sur une question traîtée "à l’arache", de façon abominable, grotesque. Alors que Franca Maï pénètre le complexe et la nature d’un tabou. Le petit contre : si Franca était un homme, elle se serait faite démonter pièce par pièce.
Bravo Franca ! Tu sais écrire toi. Tu sais les humains. C’est tout ce que je cherche dans une lecture.