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Les soins palliatifs à domicile ou le dernier train avant le bleu du ciel par Franca Maï
Franca Maï : Fleurs vénéneuses extrait Crescendo (vidéo)
Marina Petrella est une ancienne activiste des Brigades Rouges, groupe d’extrême gauche passé à la lutte armée dans les années 70 en Italie. Après avoir passé 6 ans en détention provisoire, elle a été condamnée à la prison à perpétuité en 1992 pour insurrection armée contre l’Etat. Elle opte alors pour l’asile politique octroyé par l’Etat français aux réfugiés italiens ayant rompu avec la lutte armée. Elle arrive en France en 1993 et fait, depuis cette date, l’objet d’une demande d’extradition de la part du gouvernement italien.
Elle a été arrêtée le 21 août dernier à Argenteuil et depuis cette date, attend son extradition à la prison de Fresnes. Il s’agit de la troisième arrestation de ce type perpétrée par l’Etat français après celle de Paolo Persichetti, ancien militant de l’Union des Communistes Combattants, arrêté le 25 août 2002 et remis le jour même aux autorités italiennes, et celle de Cesare Battisti, ancien militant des Prolétaires Armés pour le Communisme (PAC), arrêté le 10 février 2004 à Paris et qui a pris la fuite avant d’être emprisonné au Brésil le 18 mars 2007.
Que ce revirement soudain résulte de sombres tractations commerciales entre la France et l’Italie, de l’air du temps post 11 septembre ou d’une volonté de s’afficher comme une droite dure décomplexée, ne présente que peu d’intérêt.
En revanche, quel sens donner à un tel acharnement (cautionné par la France depuis 2002) à vouloir emprisonner à perpétuité [1] des personnes parfaitement intégrées dans la société [2] pour des actes commis il y a plus de 25 ans et qui ont depuis respecté leur engagement de rompre avec la violence politique ? Il s’agit en fait uniquement de punir les fautifs, de les obliger à "payer leur dette envers la société" et en aucun cas de faire régner la justice. En effet dans son article 8, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 stipule que la loi ne doit établir que des peines strictement nécessaires [3]. Tout système judiciaire doit donc être perçu comme un outil devant permettre de garantir le respect des droits naturels et imprescriptibles de l’homme (liberté, propriété, sûreté et résistance à l’oppression) en appliquant les peines les moins lourdes possibles. Dans le cas qui nous intéresse nous sommes donc à mille lieues de cette conception. Sans entrer dans le vaste débat de la légitimité de leurs actions passées, force est de constater que Paolo Persichetti, Cesare Battisti et Marina Petrella (et tous les anciens "brigadistes" réfugiés en France) ne constituent plus un danger pour la société depuis plus de 25 ans. Pour cette raison précise, les actions intentées contre eux par la France ont pour unique objectif (en tout cas c’est le résultat obtenu) de faire coïncider la notion de justice avec les notions archaïques de vengeance et de punition.
En imposant une telle justice de Far-West, quel crédit peut-on dès lors porter aux récentes déclarations de Fillon s’engageant à accueillir en France les prisonniers membres des FARC, que doit libérer le gouvernement colombien ?
La Bifurcation (http://bifurcation.over-blog.com)
[1] Pour Petrella et Battisti, Persichetti ayant été condamné à 22 ans de réclusion.
[2] Paolo Persichetti était enseignant en sciences politiques à l’université de Paris VIII, Cesare Battisti est romancier et Marina Petrella était assistante sociale.
[3] Voir à ce sujet l’article "De l’Etat de droit à l’état d’Urgence" de Gilles Sainati dans le dernier numéro de la revue Mouvements sur "La New droite" (N°52).
Lorsque j’évoque "l’air du temps post 11 septembre", c’est pour rappeler que juste après ces attentats, il était de bon ton, dans l’élan du "patriot act", de se positionner comme le plus grand pourfendeur du terrorisme. En revanche la thèse fréquemment avancée, selon laquelle le gouvernement des Etats-Unis aurait lui-même commandité ces actes, relève de la légende urbaine (au même titre que celle des "orphelins du 11 septembre" ou celle des "4000 juifs qui ne seraient pas allés travailler ce jour là dans les twin towers"). Ce genre de mythe conspirationniste, directement inspiré des fantasmes de Meyssan et dont la propagation est favorisée par un anti-américanisme généralisé, est néfaste puisqu’elle ne contribue qu’à apporter des réponses simplistes (principe du biais monocausal) à une situation complexe. Que les attentats du 11 septembre aient été exploités au maximum par les USA ne fait aucun doute et ne fait que confirmer le machiavélisme exceptionnel de leur politique extérieure. Celle-ci doit absolument être analysée et fermement critiquée et combattue. Il est en revanche inutile (et au final contre productif) d’introduire dans cette analyse, qui doit demeurer rationnelle, une dose de fantasme...
La Bifurcation
Le point principal de l’article, qui consiste à montrer une dérive et une déformation de la notion de justice, me semble très grave. Cette dérive, en opposition totale avec les idées développées lors de la révolution française, nous ramène plus de deux siècles en arrière.
Mad
Mais ni Battisti ni Petrella ne sont responsables de pouvoirs corrompus et autoritaires qui sapent la santé mentale des meilleurs, organisent la chute vertigineuse des "gens de biens" dans de noires dépressions, portent au suicide les "dénudés", contribuent à instaurer un climat de suspicion générale et alimentent depuis des décennies les centres concentrationnaires dans des contrées apauvries. Battisti et Petrella ont combattu ces pouvoirs. Pasolini avant eux, l’éditeur Feltrinelli et l’anarchiste Pinelli ont été assassinés. Pinelli dans un commissariat quand à Pasolini régulièrement l’objet de procès (plus de 80 par ans) d’évidence sa mort était inéluctable. On sait aujourd’hui que l’assassinat de Pasolini était commandité. Inutile de préciser qui en sont les commanditaires, de près ou de loin... L’attentat de la gare de Bologne est aujourd’hui attribué à l’extrême droite italienne. Celle-là même de Giancarlo Fini l’aide de camp de Berlusconi. Et qui donc a assassiné Carlo Giuliani ? A la caserne celui qui a porté le coup était accueilli comme un héros par la flicaille.
...
"si tu savais"... C’est en quelque sorte le leitmotiv inconscient, la petite phrase permanente qui trotte lorsque confrontés à des injustices (celle de Battisti et Petrella), de lointains souvenirs ne se manifestent qu’inconsciemment et ne s’agencent qu’imparfaitement pour nous faire entendre la société du crime.
Il est en effet important de rappeler les différences idéologiques, mais également les différences de mise en application de ces idées, existant entre les différents mouvements révolutionnaires. Cesare Battisti faisait effectivement partie des PAC (ce qui est précisé au début de l’article) dont la majorité des actions consistait en des hold-ups et autres expropriations. Ils revendiquèrent 4 meurtres. Cependant, la volonté de l’article "Les Brigades Rouges et la notion de justice" est de démontrer qu’il n’est pas nécessaire de porter un quelconque jugement de valeur sur les actes de tous ces anciens activistes pour exiger qu’ils soient remis en liberté, qu’ils soient anciens membres des PAC ou des Brigades Rouges. Ayant apporté la preuve qu’ils ne constituaient en aucun cas un quelconque danger pour la société, vouloir les maintenir enfermés, a pour unique objectif de ramener la notion de justice à la notion de vengeance, signe d’une régression extraordinaire de notre société sur ce point précis. Pour conclure, les liens vers les sites de soutien à Paolo Persichetti, Cesare Battisti et Marina Petrella, sont disponibles ici.
La Bifurcation